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Paroles: Georges Brassens. Supplique Pour Tre Enterr La Plage De Ste. Le Grand Chêne.


Il vivait en dehors des chemins forestiers,
Ce n'etait nullement un arbre de metier,
Il n'avait jamais vu l'ombre d'un bucheron,
Ce grand chene fier sur son tronc.

Il eut connu des jours files d'or et de soie
Sans ses proches voisins, les pires gens qui soient ;
Des roseaux mal pensant, pas meme des bambous,
S'amusant a le mettre a bout.

Du matin jusqu'au soir ces petit rejetons,
Tout juste cann' a pech', a peine mirlitons,
Lui tournant tout autour chantaient, in extenso,
L'histoire du chene et du roseau.

Et, bien qu'il fut en bois, les chenes, c'est courant,
La fable ne le laissait pas indifferent.
Il advint que lasse d'etre en but aux lazzi,
Il se resolu a l'exi(l).

A grand-peine il sortit ses grands pieds de son trou
Et partit sans se retourner ni peu ni prou.
Mais, moi qui l'ai connu, je sais qu'il en souffrit
De quitter l'ingrate patrie.

A l'oree des forets, le chene tenebreux
A lie connaissance avec deux amoureux.
" Grand chene laisse-nous sur toi graver nos noms... "
Le grand chene n'as pas dit non.

Quand ils eur'nt epuise leur grand sac de baisers,
Quand, de tant s'embrasser, leurs becs furent uses,
Ils ouirent alors, en retenant des pleurs,
Le chene contant ses malheurs.

" Grand chen', viens chez nous, tu trouveras la paix,
Nos roseaux savent vivre et n'ont aucun toupet,
Tu feras dans nos murs un aimable sejour,
Arrose quatre fois par jour. "

Cela dit, tous les trois se mettent en chemin,
Chaque amoureux tenant une racine en main.
Comme il semblait content ! Comme il semblait heureux !
Le chene entre ses amoureux.

Au pied de leur chaumiere, ils le firent planter.
Ce fut alors qu'il commenca de dechanter
Car, en fait d'arrosage, il n'eut rien que la pluie,
Des chiens levant la patt' sur lui.

On a pris tous ses glands pour nourrir les cochons,
Avec sa belle ecorce on a fait des bouchons,
Chaque fois qu'un arret de mort etait rendu,
C'est lui qui heritait du pendu.

Puis ces mauvaises gens, vandales accomplis,
Le couperent en quatre et s'en firent un lit,
Et l'horrible megere ayant des tas d'amants,
Il vieillit prematurement.

Un triste jour, enfin, ce couple sans aveu
Le passa par la hache et le mit dans le feu.
Comme du bois de caisse, amere destinee !
Il perit dans la cheminee.

Le cure de chez nous, petit saint besogneux,
Doute que sa fumee s'eleve jusqu'a Dieu.
Qu'est-c'qu'il en sait, le bougre, et qui donc lui a dit
Qu'y a pas de chene en paradis ?
Qu'y a pas de chene en paradis ?