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Paroles: Georges Brassens. Les Châteaux De Sable.

Je chante la petite guerre
Des braves enfants de naguere
Qui sur la plage ont bataille
Pour sauver un chateau de sable
Et ses remparts infranchissables
Qu'une vague allait balayer.

J'en etais : l'arme a la bretelle,
Retranches dans la citadelle,
De pied ferme nous attendions
Une cohorte sarrasine
Partie de la cote voisine
A l'assaut de notre bastion.

A cent pas de la sur la dune,
En attendant que la fortune
Des armes sourie aux vainqueurs,
Languissant d'etre courtisees
Nos promises, nos fiancees
Preparaient doucement leur c?ur.

Tout a coup l'Armada sauvage
Deferla sur notre rivage
Avec ses lances, ses pavois,
Pour commettre force rapines,
Et meme enlever nos Sabines
Plus belles que les leurs, ma foi.

La melee fut digne d'Homere,
Et la defaite bien amere
A l'ennemi pourtant nombreux,
Qu'on battit a plate couture,
Qui partit en deconfiture
En deroute, en sauve-qui-peut.

Oui, cette horde de barbares
Que notre fureur desempare
Fit retraite avec ses vaisseaux,
En n'emportant pour tous trophees,
Moins que rien, deux balles crevees,
Trois raquettes, quatre cerceaux.

Apres la victoire fameuse
En chantant l'air de "Sambre et Meuse"
Et de la "Marseillaise", o gue,
On courut vers la recompense
Que le joli sexe dispense
Aux petits heros fatigues.

Tandis que tout bas a l'oreille
De nos Fanny, de nos Mireille,
On racontait notre saga,
Qu'au doigt on leur passait la bague,
Surgit une espece de vague
Que personne ne remarqua.

Au demeurant ce n'etait qu'une
Vague sans amplitude aucune,
Une vaguelette egaree,
Mais en atteignant au rivage
Elle causa plus de ravages,
De degats qu'un raz-de-maree.

Expeditive, la traitresse
Investit notre forteresse,
La renversant, la detruisant.
Adieu donjon, tours et courtines,
Que quatre gouttes anodines
Avaient effaces en passant.

A quelque temps de la nous sommes
Alles mener parmi les hommes
D'autres barouds plus decevants,
Alles mener d'autres campagnes,
Ou les chateaux sont plus d'Espagne,
Et de sable qu'auparavant.

Quand je vois lutter sur la plage
Des soldats a la fleur de l'age,
Je ne les decourage pas,
Quoique je sache, ayant naguere
Livre moi-meme cette guerre,
L'issue fatale du combat.

Je sais que malgre leur defense,
Leur histoire est perdue d'avance,
Mais je les laisse batailler,
Pour sauver un chateau de sable
Et ses remparts infranchissables,
Qu'une vague va balayer.